La crise !
gestion de crise, situation de crise, cellule de crise … OK, mais c’est quoi une crise ?
une période, un phénomène critique où il est nécessaire de faire un choix pour faire face à un changement majeur selon l’AFNH, qui précise que : À l’origine, le terme de crise est lié à l’univers médical. Cela signifie un changement brutal de l’état de santé d’un patient
Une crise est fondamentalement une situation intenable, inattendue, qui représente une menace pour un système.
Ce qui caractérise essentiellement la crise, au delà de ces aspects, c’est qu’il n’existe pas de solutions connues et immédiatement applicables pour en sortir de façon « processée ». A l’inverse, s’il existe un plan (plan de secours, plan de reprise, ou tout autre schéma d’actions planifiées et préparées en réponse à cette situation), alors on n’est pas en crise … ! en revanche, on est probablement en situation précritique, c’est à dire que le système est fragilisé par un incident et que sa pérennité dépend maintenant de la bonne mise en œuvre du plan. En cas d’échec, alors on serait en crise.
C’est pourquoi le déclenchement d’un plan de secours devrait d’une part systématiquement induire une information à la cellule de crise, ou du moins aux personnes chargées de l’activer et d’autre part ne pas donner lieu à des exclamations effrayées ou effrayantes (« on est en crise ! »), qui pourraient accentuer la pression émotionnelle et finalement faire glisser la situation vers cet état de crise invoqué !
La gestion émotionnelle est en effet une des points fondamentaux de la gestion de la crise. C’est pourquoi il peut être difficile de gérer une crise dans laquelle on est émotionnellement impliqué. Une bonne pratique est de confier la gestion à un tiers qualifié , un pilote, ou a minima de mettre en place un ou plusieurs observateurs qui n’interviendront pas dans la gestion mais auront pour rôle d’alerter sur les états physiologiques et psychologiques des acteurs (implication, état émotionnel, fatigue, etc … )
Une autre bonne pratique de la gestion de crise est la tenue d’une main courante. Chaque décision doit y être inscrite afin que chacun des acteurs puissent connaître l’état de la situation à un instant donné. Elle pourra être utilisée a postériori pour le RETEX à des fins d’amélioration éventuelle des compétences.
Concrètement maintenant, comment passe t’on de la crise à un fonctionnement opérationnel normalisé ?
Vous noterez au passage que je n’emploie pas l’expression « retour à la normale ». En effet, l’idée générale de la sortie de crise n’est pas forcément de revenir à la situation initiale, mais plutôt de pousser le système vers un nouvel état stable, fonctionnel et si possible plus sur. Peut être les processus seront ils modifiés, ou le cadre règlementaire sera t’il amendé par exemple.
Il faut imaginer le système stable comme une bille tranquillement installée au fond de son puit de potentiel. Bon, il n’est pas tout a fait statique , la bille vibre un peu autour d’une position centrale, ce qui permet au système d’évoluer et de modifier de façon continue sont état en s’adaptant au contexte.
Puis la crise arrive. Un peu comme une bombe, elle injecte brutalement énormément d’énergie dans le système, au point de casser son organisation, voire sa structure et de le propulser hors de son puit de potentiel.
A ce stade, deux solutions sont possibles : on gère la crise et le système va se reéorganiser, la bille va retomber, rouler et finalement se fixer dans un nouveau puit de potentiel, soit la crise n’est pas gérée et c’est à plus ou moins long terme la fin du système qui se profile à l’horizon … . D’autres entités récupéreront ses constituants (clients, matières, flux, informations, personnels, marchés, etc … ) et il sera digéré par l’éco système général, qui l’absorbera pour s’en nourrir, retrouvant lui meme un nouvel état stable, duquel la « victime » aura disparu.
C’et pourquoi la crise n’est pas nécessairement une sinistre fatalité, mais parfois une opportunité de mieux reconstruire. A tel point que l’on peut parfois envisager de provoquer une crise pour déstabiliser un système trop rigide afin de le faire évoluer, mais ceci est une autre histoire …
Ceci étant posé, il ne reste plus qu’à dérouler !!
D’abord, on endigue ! il est impératif de faire cesser les dégradations. On coupe la source (si possible) et on fige la situation par tous les moyens possibles
Couper la source n’est pas toujours possible (c’est le coupe circuit de la machine industrielle, le point de compression, l’extincteur de proximité, le robinet d’arrêt d’urgence, l’évacuation d’une personne hostile, … tout dispositif permettant d’empêcher le processus critique de se nourrir ). On ne coupe pas , par exemple, la source d’une irradiation ou d’une inondation.
En revanche on peut toujours circonscrire et empêcher la propagation, quitte à user de moyens parfois un peu abrupts. (isolement, barrières, sacs de sable sur l’inondation, allée coupe feu, … )
On met en place des moyens de surveillances afin de s’assurer que la propagation est bien stoppée (c’est le guetteur qui repère les reprises de feu)
Puis on dresse l’état des lieux : qu’est ce qui est définitivement hors service, qu’est ce qui est intact, qu’est ce qui est sinistré mais récupérable.
On ne parle pas ici que de matière, mais aussi de services, internes ou externes, de processus de production par exemple, ou d’achat, etc … .
On identifie ici toutes les parties prenantes à la crise
Il faut comprendre ici la profondeur et la surface de l’impact.
La profondeur, c’est peu ou prou la mesure de l’importance pour l’entreprise (si l’on parle d’une entreprise), des processus impactés. Par exemple, si l’on a identifié auparavant des processus critiques, on s’attachera à voir à quel point ils sont impactés.
La surface, c’est , pour donner un évaluateur approximatif, le nombre de processus impactés, le nombre de personnes touchées par exemple, mesuré en proportion du nombre total de processus ou de personnes liés à l’environnement nominal. (on peut aussi mesurer à partir du nombre de clients, du montant des pertes financières, etc … toujours ramené en pourcentage du volume nominal)
Il peut être utile ici de s’attacher des experts qui donneront leur avis sur la situation. Il interviendront également sur la définitions des options de traitement technique de la situation dans les phases ultérieures.
Ce volume (surface x profondeur), va nous donner une idée de l’ampleur de la crise.
On est en mesure alors de faire plusieurs choses :
- anticiper l’évolution de la crise et ses conséquences immédiates et à court terme
- lancer les actions palliatives et réparatrices.
- faire un premier bilan et alimenter les communiqués auprès des différents interlocuteurs
Ce déroulement parait linéaire, mais rien n’empeche, et c’est meme recommandé si c’est possible, d’ouvrir plusieurs fronts simultanément. Il n’est pas impossible de mettre une équipe sur l’évaluation d’impact tandis qu’une autre travaillera sur l’endiguement.
Point essentiel : une communication fluide, en temps réel et transparente au sein des équipes impliquées dans la gestion de la crise.
Je n’ai que brièvement évoqué la communication pour l’instant. C’est un élément stratégique de la gestion de crise. Faire en sorte que la bonne information parvienne au bon moment, à la bonne personne, au bon format, pour que chacune des parties prenantes puisse construire une représentation mentale de la situation conforme aux intérêts des protagonistes et apte à faciliter la sortie de crise.
au sein du dispositif de gestion de crise, la communication doit être … parfaite. Chacun doit savoir ce que fait l’autre dans les grandes lignes, et dans le détail si ces actions ont une conséquence ou interagissent avec ses propres opérations.
Tableaux blancs, écrans, broadcasts, tout est bon pourvu que l’information parvienne sans délais.
Des points réguliers doivent être fait pour mesurer l’avancée et l’effacicité des opérations en cours, identifier les points de blocage ou les chemins pré-critiques qui pourraient se dessiner, et chacun doit être informé , dans la mesure de son besoin d’en connaitre. En effet, si l’information doit être transparente, il est inutile de surcharger les messages avec des éléments qui ne sont pas utiles aux acteurs opérationnels. Ils doivent pouvoir se concentrer sur leur action, tout en ayant une vision synthétique des opérations en cours et de la situation.
Attention, ces points sont factuels et brefs. Ce sont des clichés, des instantanés qui doivent être pris sur la situation.
Le sujet délicat est la communication externe . Que dire aux « autres ». A la presse, aux clients, au public, aux salariés ?
Pour ma part, ma préconisation générale serait la transparence et l’actualité de l’information.
C’est une excellente façon de couper court aux rumeurs, aux doutes et à l’émergence de théories du complot. Mais on dit plus haut que la communication doit servir les intérêts des protagonistes. Ca ne veut pas dire qu’il faut mentir. Si un problème se présente, exposons le s’il peut concerner les interlocuteurs, mais expliquons ce que nous mettons en oeuvre pour le résoudre. L’idée est de montrer qu’on ne subit pas, qu’on se préoccupe des interêts de tous et qu’on met en oeuvre les moyens de traiter la situation.
Les flux d’informations seront nombreux, et mettre en place un régulateur, qui collecte et diffuse aux parties concernées, peut être une bonne façon de rendre la communication efficace.
Pour les communiqués externes, il est bon que la personne qui s’en charge dispose d’une expertise sur le sujet, ou du moins ait conscience des enjeux et du bon usage des mots.
au bout d’un certain temps, la pression va redescendre. on va reprendre la maitrise fine de la situation. C’est le moment où l’on passe les derniers coups d’éponge et où l’on regraisse les machines. L’urgence disparait , on remet en marche les machines après système et progressivement, on s’achemine vers la sortie de crise.
C’est aussi le moment où l’on relache la vigilance, ou l’on s’affranchit de certains procédures de sécurité pour redémarrer plus vite … C’est le moment où l’on peut gripper le système et entrer à nouveau en phase critique.
Peut être plus encore que les précédentes, cette étape doit être parfaitement supervisée. A ce stade, on ne libère aucun moyen et ils restent tous mobilisés sur le sujet. Check list, mesures d’indicateurs, moyens de secours prets à intervenir, disponibilité des experts, tout doit être fait pour que cette étape soit franchie avec succès. C’est le reponsable de la cellule de crise qui donne le feu vert pour basculer vers ce mode nominal.
Cette phase n’est pas forcément toujours clairement identifiable dans le temps. On peut y entre de façon progressive selon la nature de la crise. Pour autant, la vigilance reste de mise tant que le fin de crise n’est pas déclarée.
La déclaration de fin de crise n’est pas anecdotique. elle doit être formelle et permet de manifester auprès de toutes les parties prenantes que le système fonctionne à nouveau de façon nominal et que chacun peut se remobiliser sur son quotidien. C’est aussi une étape symbolique, l’expression d’un victoire et la manifestation d’un savoir faire qui servira l’image de l’entreprise.
Idéalement, la fin de crise ne devrait être déclarée qu’après le RETEX, c’est à dire l’analyse de la situation, les apprentissages à en tirer et la définition des mesures correctives à mettre en oeuvre .
A minima, il faut avoir engager le reflexion sur les apprentissages avant de déclarer la fin de crise, là aussi, afin, entre autre, d’alimenter une communication positive et de manifester à tous l’attachement au processus d’amélioration.
Le RETEX (Retout d’expérience), doit impliquer un décideur et des personnes qui maîtrisent les processus impactés et les processus impliqués dans le déclenchement de la crise.
Le RETEX pose et répond aux questions suivantes :
- Comment est ce arrivé ? (recherche des causes, en toute objectivité, sans jugement et dans tous les domaines – si on ne trouve pas au moins une cause humaine, c’est probablement qu’on a raté quelque chose … )
- Comment aurions nous pu mieux gérer la crise ? (évaluation, retour sur les points de blocage ou de difficulté à des fins d’amélioration de la performance sécuritaire)
- Que changer dans nos règles, modes opératoires, mécanismes pour que cette situation ne se reproduise pas ? (remise en question sans concession, le système post crise ne doit pas être un clône du système initial)
- Quel plan de reprise envisager si certains incidents similaires venaient à se produire (on élargit le champ de connaissance et on renforce la compétence de maîtrise des risques de l’entreprise )
Il ne s’intéresse pas aux question : Qui est coupable ? qui est responsable ? qui doit être sanctionné? Ca serait totalement contre productif. Ces points relèvent de discussions entre la direction générale et les RH, et éventuellement de la justice.
Pour résumer donc :
Le dispositif de gestion de crise est composé de
- Un pilote, qui prend les décisions et ne rend aucun compte immédiat
- Un observateur, qui s’assure que chacun est en capacité d’oeuvrer sans biais
- Un régulateur , qui gère l’information
- Un porte parole, qui traite la communication institutionnelle
- Des experts, qui eclairent la prise de décision sur demande du pilote
- Des équipes opérationnelles qui mettent en oeuvre les décisions.
- Une cellule RETEX
Les décisions ne doivent pas être prises sous le coup de l’émotion, l’information doit circuler de la façon la plus fluide possible et dans la plus grande transparence possible, l’évolution de la situation doit être surveillée et faire l’objet de point fréquents.
J’ajouterai que les avis d’expert doivent prévaloir sur les opinions profanes, que les décisions doivent être claires et assumées et enfin que la phase aigue doit être la plus courte possible et que la phase de restauration ne doit pas non plus durer trop longtemps. Une crise qui s’éternise installe le système dans un état instable, qui va nuire à son efficacité au point parfois de le faire disparaître.